premier vers Je vous salue Marie, pleine de grâce…, et de ce que l’on appelle la Salutation angélique, à
savoir le « salut » de l’ange Gabriel à la Vierge, au cours de laquelle lui est annoncé sa maternité
future comme moment de l’Incarnation du Verbe, de la venue du Fils de Dieu, du Salut qui se fait
lui-même chair, et, du « salut » d’Élisabeth à sa cousine Marie, qui lui rendait alors visite. Au fond,
c’est le Verbe qui est appelé « Salut ». Nous écartons ici l’épisode byzantin du rameau sec de Joseph
choisit parmi les douze.
Cette prière et cette visitation donnent la clé d’interprétation du premier mot, qui est le mot-
premier, de L’Abidjanaise. En effet, sans l’une et l’autre, aucune exégèse de ce texte n’est possible.
Autrement dit, le fameux « Salut » de L’Abidjanaise, d’une part, relève de cette partie de la théologie
chrétienne appelée Mariologie, et, d’autre part, institue une prière mariale à l’attention de la Côte
d’Ivoire, et annonce, dans le même temps, comme une visitation angélique de ce pays. L’expression
répétée « Que Dieu bénisse la Côte d’Ivoire », et qui - depuis l’éclatement de la Crise - scande et termine
tous les discours religieux et politiques du régime en place, trouve sa source première dans
L’Abidjanaise inspirée de L’Ave Maria.
L’Abidjanaise, en effet, n’est pas conçue sur le modèle du Credo (« Notre Père qui est aux
Cieux… »), mais sur le modèle et le mode de L’Ave Maria. Autrement dit, la formule introductive
de l’hymne, « Salut ô terre d’espérance », est au fond une re-formulation, une duplication du fameux
premier hexamètre de L’Ave Maria, « Je vous salue Marie… ». Ce faisant, la Côte d’Ivoire est comparée
et assimilée à la Vierge Marie, celle qui, précisément, porte l’Espérance comme l’annonce lui a été
faite lors de la visitation de l’ange Gabriel et du « salut » d’Élisabeth. Tout ce qui est dit ici cesse
d’être vaine spéculation, pure fadaise ou une simple vue de l’esprit, dès lors que l’on sait que le Père
Jean-Marie Coty est en vérité, avec Mathieu Ékra, co-auteur de L’Abidjanaise, même si l’histoire
« officielle » a fait oublier ce fait historique. Il est certes co-auteur mais aussi et surtout semble être
l’inspirateur direct et le rédacteur certain de toute la partie mariologique de L’Abidjanaise.
Au reste, parmi les hymnes nationaux africains, il n’y a pas que L’Abidjanaise qui ait été
écrite par des prélats. Les hymnes nationaux du Bénin, de la Haute-Volta et du Congo Kinshasa
l’ont été également.
En résumé, pour comprendre de manière authentique le « Salut » de L’Abidjanaise, nous
devons certes revenir à son étymologie (salus, utis : « bonne santé et prospérité ») mais surtout
remonter à son sens sacré (l’Angélus et L’Ave Maria). Car, sa signification profane, civique ou
symbolique, n’ajoute presque rien à sa compréhension. Elle peut même complètement fourvoyer.
Dans l’hymne ivoirien, le « Salut » introductif ne se laisse pas réduire à un échange de signes de
reconnaissance, ni non plus à un ensemble de gestes que l’on fait pour saluer, par exemple, le salut
militaire, le salut fasciste, le salut au drapeau, etc. Il ne s’agit pas non plus d’un acte de courtoisie
ou de politesse. En outre, l’hymne national ivoirien n’a rien de salutiste, car il ne s’adresse pas à des
indigents ni ne relève de la propagande religieuse.
Le « Salut » de L’Abidjanaise s’inscrit dans l’horizon de la théologie catholique. Il puise dans
l’Angélus et L’Ave Maria. Il est salvifique.
Après avoir jeté de la lumière sur l’idée et la notion de « Salut », nous pouvons risquer une
interprétation nouvelle des deux premiers vers de l’hymne ivoirien.
Le « Salut » est un appel ou un souhait de santé à la terre qui devient un pays - naissance de
l’État - où l’espérance (vertu) est élevée en hospitalité. Par analogie, nous pouvons dire que cette terre
est mariale, elle est la telle la Vierge qui doit porter l’espérance, et qui ne devient pays, c’est-à-dire
« pleine » (enceinte), que parce qu’elle est fécondée par « le divin terrestre », l’autre nom que Hegel