Scandales politiques et institutions

Par Pierre Franklin Tavares|14 juin 2013|Actualités, France

La nouvelle « affaire Guéant », la récente « affaire Cahuzac » et la vieille « affaire Tapie » rongent les bases d’une République dont l’édifice était déjà fissuré. Accentuant le dépérissement moral et organique de nos institutions, elles résultent pour partie de l’adoption du quinquennat qui fit passer la France d’une république « présidentielle », en une « république » qui est plus que « monarchique », avec un seul pouvoir, celui d’un Président quasi-proconsul. Montesquieu avait formulé une instructive mise en garde : « Une autorité exorbitante, donnée tout à coup à un citoyen dans une république forme une monarchie, ou plus qu’une monarchie ». Nous y sommes, et de plain-pied.

(Philippe Wojazer/AFP)

Au reste, les « affaires » mentionnées n’auraient pas été, si les présidents Nicolas Sarkozy et François Hollande n’étaient pas omnipotents. L’Assemblée nationale est devenue, sous Nicolas Sarkozy, une coquille vide et, avec François Hollande, un corps sans âme. Tout se passe comme si, peu à peu, de vifs compromis en molles compromissions nous avions glissé, avec l’accord de tous, vers une forme de despotisme, à la manière dont Montesquieu le définit, c’est-à-dire un système où un seul entraîne tout par sa volonté, c’est-à-dire presque toujours par ses caprices.

La République paie la facture de décisions présidentielles solitaires. Le Gouvernement a perdu sa fonction exécutive et est réduit à un rôle d’exécutant. La justice, sans force hier, s’efforce d’en regagner. Le syndicalisme, recroquevillé, enregistre le recul des acquis sociaux. La société civile est désappointée et divisée. Bref, les pouvoirs intermédiaires de la République sont devenus moribonds. En revanche, la Bourse, cinquième pouvoir, est à présent toute-puissante. L’État se meurt, étranglé et vaincu par les marchés et « prisonnier extraordinaire » de la Bourse.

Place de la République, Paris

Nicolas Sarkozy avait promis une république irréprochable, il nous a laissé la république des « abus » quotidiennement houspillée, selon le rythme des scandales qui éclatent et s’étalent au grand bénéfice du Front National. Il nous légué une république usée et dans laquelle, pour reprendre le mot de Marivaux, « les abus sont […] devenus si sacrés qu’on n’en puisse attaquer aucun sans lui trouver vingt défenseurs ? »

Nous sommes en présence d’un mal radical, qui touche à la racine du fonctionnement des institutions publiques. Car l’histoire enseigne que la France n’est forte que par la solidité de son « esprit public », qui doit être régénéré. Un grand philosophe français l’a dit : L’amour de la patrie corrige tout. Il incombe au corps politique de réhabiliter la vertu politique, pratique essentielle de toute République qui se définit comme l’amour de la patrie et de l’égalité.

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