Un maire et sa « République aquatique »

Par Pierre Franklin Tavares|18 juillet 2013|Actualités, Ma ville : Épinay 93

Ce récit est tiré de faits réels et est la libre adaptation d’une fable, Le soleil et les grenouilles de Jean de La Fontaine.

L’injustice (D.R)

L’homme aurait pu inspirer La Fontaine, par son absence d’humilité. Ou encore offrir un portrait à La Bruyère, pour son caractère ordinaire. S’il l’avait observé, saint Augustin n’eût rien trouvé, si ce n’est un collier de vanités. C’est que plus d’un l’ont connu « humble », portant une allure insignifiante et qui songeait ne jamais avoir de destin. C’est, dit la rumeur, de son lit qu’il fut tiré au moment de la victoire. Sa suivante avait déjà pris les routes de province. Et dut, promptement, revenir.

À présent, oubliant d’où il vient, l’homme est arrogant, moqueur même. C’est qu’une fortune rapide et les voluptés charnelles changent les hommes. Ou du moins montrent leurs limites. On le mesure à l’absence de progrès moral. Or, il aime à punir ses agents ou à leur montrer qu’il est leur « chef ». Lui qui, à peine, savait écrire – et moins encore articuler un français de bon usage. Lui qui, ingrat, semblable au « Lion du bestiaire médiéval » (Études de style, Leo Spitzer), efface de sa queue toute trace de ses pas, parce qu’il craint ses dettes à autrui. Cependant, plus grave, est la fabrique d’un « clan », pour diriger sa ville. Mais, plus sordide encore est sa république aquatique, dans laquelle adjoints, conseillers et directeurs ne sont que des ambassades croassantes, pour reprendre les mots de La Fontaine. Aucune tête ne doit dépasser la sienne et tout hymne joué ne l’est que pour sa renommée. Tout est en scène. Il lui insupporte donc d’être contredit. Autant de défauts forment la faiblesse des médiocres.

Estampe Le soleil et les grenouilles (d’après Jean-Baptiste Oudry et Vinkeless, 18e siècle )

L’homme est tant infatué de lui-même, que son vieil étang, Épinay-sur-Seine, ne lui sied plus. En effet, comme par mépris de ses administrés, il a déménagé pour habiter un meilleur étang proche d’un lac. Et, dit le vacarme, on peut le voir matin et soir arpenter le chemin qui y mène ou dont il revient. En tous les cas, ce choix résidentiel vaut aveu et doit être reçu comme un outrage public. Car, avant lui, aucun maire n’eût le courage d’un tel affront. Ah, quel parcours résidentiel ! Et, comble de stupéfaction, dans sa république aquatique, aucune grenouille n’a trouvé à redire.

Voyez-vous, cher lecteur, comme sait le dire Aristote, il est vraisemblable qu’il y ait des choses invraisemblables. Notre ville est vraiment devenue une république aquatique. Qui l’eût dit !

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