M. Valls et la « peur » du FN: entre citoyenneté désespérée et euthanasie républicaine

Par Pierre Franklin Tavares|10 mars 2015|Actualités, Billet citoyen, France

Vous ne savez pas ce que penser veut dire. Et, manifestement, vous ne souhaitez pas l’apprendre. C’est votre droit. Nul n’y est obligé. Mais, de grâce, tenez votre éducation. Est-ce bien trop, que de vous le demander ? Au moins cela. Dussè-je le répéter, vous n’avez jamais su ce qu’est un ton juste. Or, qui peut gouverner, s’il ne sait ce qu’est et comment parler ? La parole est un chemin. Ce n’est pas moi qui le dit, mais un grand penseur. La parole, ajouterai-je, n’est pas une pente abrupte. Instruisez-vous de François Mitterrand. Encore que, pour bien parler à ses concitoyens, il faut connaître l’histoire de France. Apprenez cela de François Mitterrand.

Vous ne savez pas « paroler » et vous vous déconstruisez tout seul. La semaine dernière, c’était sur l’Apartheid. Ce fut une véritable provocation, un rapprochement approximatif, une distorsion de l’histoire de France et de celle de l’Afrique du Sud. La semaine qui précédait cette lubie, vous donniez dans « l’esprit du 11 janvier » dont vous ne semblez pas avoir compris la signification historique. Vous en avez voulu faire un slogan. Vous eûtes une baudruche, qui vite dégonfla. Avant, c’était la Loi Macron, un tissu de non-sens et un drap d’équivoques, qui a failli emporter votre gouvernement. Tout ça pour ça ? Cette semaine, nouvelle illumination, c’est la grande « peur » du Front National qui n’effraie plus les citoyens et ceux-ci ne supportent plus le chantage au danger imminent. Il est une vérité médicale qui vaut en politique : trop d’antibiotiques ne prémunissent plus contre les pathologies.

Mais enfin, où menez-vous la France, avec ce rythme débridé d’une série de discours qui ont ni lien chronologique ni rapport logique entre eux ? De grâce, monsieur le Premier Ministre, faites donc une pause, après les élections départementales. Si l’on ne vous entend pas trois semaines durant, vous n’en resterez pas moins le premier des ministres.

Vous ne savez pas parler. Sachez donc prêter l’oreille. Toute sagesse commence par cette disposition d’esprit. Écoutez donc les Français. Car lorsqu’un peuple est disposé à risquer le pire, en l’occurrence le Front National selon vous, voyez-vous, ce n’est pas le peuple qu’il faut remettre en cause ou alarmer, mais ce sont les politiques publiques qu’il convient de changer.
Vous clamez, à grands renforts de batteries et d’oukases, qu’il y a un « endormissement généralisé » des Français, face au danger du Front National, dans votre discours de Boisseuil le 5 mars 2015, en Haute Vienne. Mais jamais un peuple ne dort. C’est vous qui dormez mais d’un sommeil agité et ne souhaitez pas vous réveiller. Au reste, vous manquez la cible, parce que vous ne visez pas la bonne. La vraie cible, maintenant, devrait être le Rassemblement Bleu Marine et non plus le Front National.

Au désespoir grandissant des Français épuisés fiscalement ces trois dernières années après l’espoir de 2012, vous affichez la  « peur » de voir tous leurs avantages disparaître. En effet, avez-vous jamais vu un cadavre craindre des coups de lames ?
Vous affirmez même que la France va se « fracasser ». Que vous sert-il de crier au feu, quand tous les jours vous alimentez d’huile l’incendie qui avance depuis deux décennies ? Le pire est que vos alertes n’affligent aucun citoyen. Vos alarmes successives ont perdu de leurs effets, si jamais elles en ont eus.

Au reste, crier au feu à la veille d’une élection ne fait qu’encourager tous ceux qui, déçus par l’amalgame éhonté entre la droite et le Parti socialiste, hésitent encore à voter Bleu Marine. Est-ce de votre part un calcul ? Si oui, vous avancez tête baissée vers un mur d’erreurs contre lequel vous allez vous fracasser. Pas la France. Si non, alors ravisez-vous. Car l’alarme est contre-productive et inutile.

La mise en garde de Montesquieu vaut encore : « Lorsque la vertu [l’égalité] cesse, la République est une dépouille ».
Vous proclamez, depuis peu, comme la fin imminente de la République. Mais, tous les jours, les citoyens sont les témoins directs, auditifs et oculaires, de sa mort lente. Et ils ne sont pas les premiers responsables de cette décomposition républicaine. Car c’est la classe politique classique qui, à petit feu, tue la République. Alors que voulez-vous que fissent les citoyens, sinon pratiquer l’euthanasie républicaine ? C’est un paradoxe et une vérité. « La contradiction, dit Hegel, est la règle du vrai ».

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