Jean Moulin et l’honneur des soldats noirs de l’armée française

Par Pierre Franklin Tavares|27 mai 2013|Billet citoyen, France

Il est des figures individuelles qui, tranquilles avec elles-mêmes, traversent leur temps et finissent par faire « époque ». Elles ne frémissent pas aux premières tempêtes et moins encore aux circonstances défavorables. Ces figures, sans faire vacarme, ne se taisent pourtant pas. Elles parlent, et non parce qu’elles bavardent, mais précisément parce qu’elles rendent lyriques nos bouches.

Pour le siècle précédent, Jean Moulin demeurera une figure éternelle, pas seulement pour son pays. Hegel, mieux qu’aucun autre philosophe, a défini la figure du héros. Jean Moulin, alias « Max » pourrait figurer dans son panthéon.

Mais il est une dimension « oubliée » de la vie de Jean Moulin qui marque son entrée dans la liberté : sa défense des soldats noirs de l’armée française, au fond son premier combat. Et tout le reste n’en sera que l’amplification.

La valeur d’un homme se mesure aussi à la défense des « causes perdues » . Car, c’est elles qu’on voit le mieux la difficile synthèse entre l’éthique des convictions et l’éthique des responsabilités, pour reprendre deux notions que Max Weber empruntera (sans le dire) à la Nouvelle Académie.

Comment oublier « notre » Jean Moulin, alias « Max » ? Je revois, chaque jour, ce héros à l’écharpe fière et semblable à l’oriflamme des temps jadis, et qui – comme en un signe de deuil – l’enroule autour du coup. Je revois, chaque jour, ce port du feutre à  bande noire, ce symbole qui protège la force du regard patriotique, sûr et confiant, subvenant à la France, se souvenant d’elle. Jean Moulin, figure du patriotisme, est notre Étéocle .

« Max » fut juste un homme juste, qui, tel Lamartine, fit de la vérité son pays. On comprend dès lors mieux pourquoi, préfet, il ne signa pas (pour le valider) un mensonge allemand : Non, je ne signerai pas [le « protocole » accusant de mutilations et de viols des tirailleurs sénégalais, sans preuves]. Vous savez bien que je ne peux pas apposer ma signature au bas d’un texte qui déshonore l’armée française  ;
Max, dont le premier combat, fut l’honneur des soldats noirs venus des colonies défendre la nation meurtrie. Une « responsabilité » qui repose sur une telle « conviction », plus jamais ne peut fléchir.

Max fut l’esprit d’Alésia, âme vivante de cette France, « belle et rebelle » que chante Jean Ferrat , de cette France juste, forte et résistante, la seule France, la vraie France , qui est aussi celle de Félix Éboué, de Henry Frenay, de Gaston Monnerville et de Charles de Gaule, du coruscant Aimé Césaire et du brillant Jean-Paul Sartre.

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