Le relâchement en politique

Par Pierre Franklin Tavares|23 mai 2013|Actualités, Billet citoyen

S’inquiétant du « populisme » qui gagnait les classes dirigeantes de son temps, La Bruyère crut utile de rappeler ceci : la France « est un pays qui est le centre du bon goût et de la politesse »  (Les Caractères). Cette parole vaut encore, au regard de l’actuelle dégradation des mœurs publiques, notamment du protocole d’État. Et l’on devrait s’inquiéter du renouveau de ce phénomène, qui affecte les tenues vestimentaires, le langage désormais familier et l’allure de plus en plus délaissée des personnalités politiques.

(Jean-Christophe Marmara)

(Jean-Christophe Marmara)

On en peut donner mille exemples. Cependant, nous ne retiendrons que cinq ou six cas emblématiques. Ainsi, lors de la dernière conférence de presse du président François Hollande, au moment de l’entrée du gouvernement dans la Salle des Fêtes, mis à part Laurent Fabius, aucun ministre n’avait sa veste boutonnée. Puis, assis à la droite du président et devant quatre cents journalistes du monde entier, passé la première demi-heure, tous se tortillaient, comme s’ils étaient sur les sièges de l’Assemblée nationale. Qu’est-ce que cette tendance à la négligence publique ? Certes, nul ne leur demande de donner dans le raffinement ou d’exceller dans l’art du savoir-vivre. Mais enfin, pourquoi cette généralisation d’attitudes négligées ?

(Reuters)

Il faut y voir l’indication d’un affaiblissement du protocole d’État. Pourtant, les hommes publics se doivent de soigner leur langage et leur tenue. Sous le président Charles de Gaulle et jusqu’à Jacques Chirac, les ministres avaient quelque distinction, et il est vrai plus sous celui-là que sous celui-ci. C’est avec Nicolas Sarkozy que tout à commencé à devenir familier. D’abord, par une étonnante crise du langage présidentiel (aspérités syntaxiques et fautes lexicales) et un relâchement du comportement du Chef de l’État. Puis on eut Roselyne Bachelot qui, de façon subite, s’est faite virtuose des grossièretés publiques et qui, depuis s’en donne à cœur joie. Plus que tout autre critique, les Guignols de l’info ont, dans un époustouflant épisode, moqué la tenue et le langage de Nadine Morano, Brice Hortefeux et Nicolas Sarkozy, identifié au célèbre trio Kaira Shopping. C’est tout dire. Récemment, en réaction à l’obligation de déclaration de patrimoine des élus, Philippe Duvernoy , élu local de Montbéliard, a posé nu et a cru nécessaire de rendre publique sa photo. Dans cet acte impudique, toute distinction est abolie entre l’intime, ce qu’il y a de plus privé, et le public ?

Sous François Hollande, de façon continue et lente, les choses vont en se dégradant. Seul  Laurent Fabius tire son épingle du jeu, car il conserve la politesse du passé et un langage soigné. Souvenons-nous de la tenue vestimentaire de Cécile Duflot lors de la passation des pouvoirs et du premier conseil des ministres en mai 2012. Pierre Moscovici, lui, ne sait pas porter les costumes, et ses pantalons sont toujours froissés. Manuel Valls, sans doute mal conseillé par un grand couturier, ne sait plus ce qu’est une veste fermée.Au reste, il n’est pas anodin que Nicolas Canteloup n’ait de cesse de railler François Hollande, avec sa cravate toujours de travers et des manches de chemises bien trop longues. Il est vrai, depuis quelques semaines, le président de la République fait de vrais efforts vestimentaires. Par ailleurs, qui n’a pas vu et entendu M. Francisco Barroso parler un « français soutenu » quand, à ses côtés, François Hollande parlait un « français courant » ? Prenons garde à tous ces signes des nouvelles négligences publiques.

(Patrick Hertzog/AFP)

Savoir être distingué n’empêche pas la force des convictions. Bien au contraire. Il est donc temps de mettre un terme au relâchement. Le temps de la République et les règles du protocole d’État ne peuvent souffrir les grossièretés, les impolitesses et les trivialités qui ne sont que des variations de la médiocrité. Ce n’est pas la moindre des qualités d’un État que ses dignitaires apportent le soin à leur attitude. Toute promotion d’une négligence organisée participe du vertigo gouvernemental.

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